Cet article est écrit par Christophe Davy, dirigeant de Brand Online Commerce, qui est « l’invité permanent » de François sur ce blog.
Dans mon précédent article If You Pay Peanuts, You Get Monkeys! j’écrivais « je suis un observateur quotidien, et pour l’occasion atterré (je pèse mes mots), du gouffre existant aujourd’hui entre ce que comprend un patron français lambda de ce qu’est le e-commerce et ce qu’en fait depuis déjà pas mal d’années un patron américain. »
Dans les commentaires, un internaute me répondait « Il aurait été intéressant que vous “développiez” la différence entre Américains et Français ».
Bonne idée, mais vaste sujet ! J’y répondrai donc de manière opportuniste, en m’appuyant sur la semaine de travail que je viens juste de passer à New York.
Ce qui me frappe le plus quand je compare les mentalités US et française dans le domaine du e-commerce, c’est la différence de compréhension des enjeux business. [Je mets bien entendu à part les quelques e-commerçants français très développés, pour lesquels les enjeux business sont au coeur du quotidien ; ce sont pour moi les quelques exceptions qui confirment la règle.]
En France, nous sommes encore énormément dans le phantasme et les poncifs. Phantasme de l’argent facilement gagné grâce à une boutique en ligne (relire mon article de l’année dernière Ouverture de la 1045ème e-boutique de déco !) ; poncifs sur les manières d’y arriver : il faut avant tout un design original, il faut faire un partenariat (i.e. habiller la home) d’un support éditorial pour driver des ventes, le sourcing des produits est primordial, etc…
Aux USA, tout est business et customer driven. On ne décide pas des étapes de développement en fonction de ce que le manager a envie de faire (ou de ce que nous a dit le gars qui cause beaucoup dans les conférences et qui semble s’y connaître), mais on fait en fonction des métriques du business et de ce que disent et veulent les clients.
Alors concrètement, ça donne quoi dans un rendez-vous avec des managers ?
Un manager français va demander « le même site que son concurrence », parce qu’il adore (i.e. il est jaloux) le design de ce site. Pas une interrogation sur le business réellement drivé par le site de son concurrent, tout est dans l’emballage, il n’y a (presque) que cela qu’il retient. Quand on aborde les éléments clés de la création de valeur du projet, en dehors du design du site, l’attention du manager diminue immédiatement. Acquisition de clients, programme de fidélité, plan marketing online,…, autant de sujets que le manager français va rapidement sous-traiter au sein de son équipe sans vraiment s’y intéresser plus tard. En revanche, comptez sur lui pour engueuler tout le monde un lundi matin si par hasard un de ses amis lui a dit durant le week-end qu’il préférait l’esthétique du site de son concurrent. Ah, la partie visible de l’iceberg…
Un manager US va direct aux questions qui tuent sur les leviers de génération de business, sur les différentes métriques de pilotage et d’analyse du business, et s’intéresse sans cesse à l’apport de valeur que cela peut avoir pour le client. Le design est abordé, bien sûr, mais sans y accorder plus d’importance que nécessaire : il comprendra aisément que l’ergonomie doit être comme cela afin de maximiser le business, l’essentiel étant pour lui de faire du chiffre…
Bien sûr, je caricature les choses. Mais peut-être pas autant que cela. Il y a vraiment un gouffre entre ces deux mondes, et l’éco-système gravitant autour de ces managers y contribue grandement. D’ailleurs, en France, on en est encore à récompenser le design d’un site e-commerce, ou ceux qui font le plus parler d’eux, dans des classements parfois payant… Alors qu’aux USA, le classement Internet Retailer du Top 500 des sites selon le chiffre d’affaires fait la loi.
CQFD.