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Marc Antoine Ledieu, avocat, spécialiste des contrats et du logiciel… et geek

Je vous propose un billet un peu particulier.

Dans le cadre de mon travail, j’ai la chance de croiser des personnes de grande valeur. Marc Antoine en est : avocat, spécialiste très pointu du logiciel, du SAAS, et des contrats associés, il a une connaissance de notre univers assez… décoiffante. D’ou cette interview.

Bonjour Marc Antoine.Peux tu te présenter ?Marc Antoine

Marc-Antoine Ledieu, je suis avocat au barreau de Paris depuis 20 ans.

Je me suis spécialisé sur la rédaction et négociation de contrats d’affaires, principalement dans le domaine des nouvelles technologies. J’enseigne cette matière dans le Master 2 pro Droit du Multimédia et de l’Informatique à Paris II.

J’ai plaidé pendant 5 ans devant les tribunaux de commerce, puis je me suis spécialisé dans la rédaction de contrats. J’ai ensuite bossé pendant 1 an 1/2 dans la filiale française d’un éditeur de logiciel américain (Kabira Technologie). Puis je suis redevenu avocat indépendant.

Tu as donc deux spécialités qui se combinent : les contrats « business » et le monde IT (web et logiciel) ?

Oui, je m’occupe des contrats que doit négocier une entreprise, dans le cadre de son activité commerciale (distribution, bail commercial, achats, etc.).

Et je suis surtout spécialisé dans les problématiques IP (propriété intellectuelle), et IT (technologies de l’information).

Quels sont les problématiques spécifiques lié au logiciel ?

Il faut chercher dans l’ordre :
• Qui a développé le logiciel (salarié ou développeur indépendant) ?
• Comment le commercialiser : via une cession ou via une licence.

Une entreprise peut céder un logiciel (c’est une vente) ou concéder des droits d’utilisation, c’est une licence (une location).

Aujourd’hui, les entreprises commercialisent leur logiciel en mode « service » à la demande : c’est ça, le SAAS.

Y a-t-il quelque chose de particulier à faire, quand on a un salarié qui fait des développements logiciels ?

Pour les développeurs salariés, la propriété du code est automatiquement transféré du salarié vers l’employeur. C’est la loi qui le dit. Sauf clause contraire dans le contrat de travail (du jamais vu pour ma part).

Mais attention, cela ne concerne que le code source. Ce n’est pas le cas pour par exemple un diagramme, le design, un site web, qui sont des « oeuvres » au sens du droit d’auteur. Et les œuvres appartiennent à leur auteur, même salarié.

Pour ces oeuvres, , il faut prévoir, par exemple une fois par an, un transfert de propriété à l’entreprise, dans lequel on identifie chaque oeuvre à transférer, éventuellement pour un cout 0 (cession gratuite).

Quels sont les changements qu’implique l’apparition du cloud ?

Avant, les éditeurs remettaient à leur client un exécutable de leur soft.

La loi prévoie que si tu es l’utilisateur légitime d’un logiciel, tu as le droit de le décompiler, de manière à le rendre inter-opérable avec d’autres soft.

Rapidement, les techniques de compilation/décompilation et l’usage d’ateliers de génie logiciel ont empêché en pratique les clients d’appliquer ce droit.

L’arrivée du logiciel accessible en SAAS a changé les choses : le client achète un service. La partie purement « licence » est devenue annexe. On donne un droit sur une solution globale accessible à distance, avec hébergement, stockage et back-up des data du client, maintenance, le tout en « package ». Avec pricing au nombre de user par exemple.

Les éditeurs ont trouvé ainsi un moyen de ne plus rendre accessible leur code source. Le droit de décompilation est donc bien loin.

Le second changement majeur concerne la « réversibilité » : à la fin du service, le prestataire SAAS rend au client ses données, mais ne donne aucune garantie de continuité du service associé.

Tu peux me dire ce qu’est la réversibilité ?

La réversibilité, dans les année 90 :

Moi, vendeur de solution logicielle, si il y avait un problème avec mon soft, je m’engageais à rebasculer sur l’ancien soft du client, de manière à assurer une vraie « continuité du service ».

De même, en fin de contrat, l’éditeur s’engageait à fournir une passerelle de service continu, entre la solution actuelle et la nouvelle solution choisie par le client.

Cela n’existe plus avec le mode SAAS, puisque ce qui est vendu, ce n’est plus un logiciel, mais un service.

Est ce que de ton point de vue, les utilisateurs se mettent en danger ?

Oui, parce que ces contrats de type SAAS sont très techniques. Même les grosses sociétés qui ont des pools de juristes n’ont pas toujours de spécialistes de ces technologies.

Or, il est indispensable de bien connaitre la technicité de ce type de services, pour rédiger les contrats associés. Ou en identifier les pièges…

Tu es un passionné en fait ?

Oui. J’aime l’innovation, la technique.

Paradoxalement, je construits des contrats sur la base du Code civil qui date de 1804 !

J’ai vécu les révolutions successives depuis l’apparition de l’Internet, mes emails, les ERP, les infogérances, puis aujourd’hui le SAAS et le CLoud, et ça m’éclate : on est forcé de se réinventer super vite.

ok, merci, quelle conclusion ?

N’hésitez pas à faire appel à de vrais pros pour rédiger vos contrats !

Merci 🙂 

Google Adwords : fin de la protection des marques en France !

Cet article est écrit par Christophe Davy, dirigeant de Brand Online Commerce, qui est « l’invité permanent » de François sur ce blog.

Google trade markSous le sobre titre Changement pour les marques en Europe, le Directeur de la stratégie commerciale Google France, Sébastien Badault, vient d’annoncer que dès le 14 septembre prochain, plus aucune marque ne sera protégée en France pour ce qui est de l’achat de mots-clés dans Google Adwords.

Il s’agit là de l’application d’une mesure déjà en place dans certains pays européens depuis 2008/2009 (notamment le Royaume-Uni et l’Irlande) et aux USA et au Canada depuis 2004 ; Google tient d’ailleurs à jour la liste complète des zones géographiques dans lesquelles il « n’enquête pas sur l’utilisation des marques en tant que mots-clés ».

Concrètement, n’importe qui pourra désormais acheter les mots-clés « dior », « chanel » ou « hermes » sur Google Adwords en France.

Alors, les marques doivent-elles avoir peur de ce changement en France pour leur image ? Risque-t-on de voir sur certaines marques une forte augmentation des coûts au clic ? Les boutiques officielles des marques risquent-elles de perdre du business au profit de revendeurs achetant le mot-clé de la marque ?

L’avenir proche nous le dira. Ce qui est certain dès aujourd’hui, c’est que le business de Google ne s’en portera que mieux à court terme…